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8ème Festival Notre-Dame à Lamballe

Du 30 avril au 5 mai se tiendra la huitième édition du Festival Notre-Dame organisée par la paroisse Notre-Dame de Grande Puissance. Cette année, le thème retenu est « Qui sont les prophètes aujourd’hui ? Sont-ils là où on les attend ? » Au programme : célébration, cinéma, café bla-bla, conférence… Le Festival 2019 sera présidé par Mgr Albert ROUET, archevêque émérite de Poitiers.

Photos des deux conférences autour des prophètes d'aujourd'hui

Festival Notre-Dame 2019 à Lamballe sur les prophètes d'aujourd'hui

Le mot du curé

Si le mot prophète nous fait penser d’un prime abord à des figures de l’Ancien Testament, la notion de prophète évolue avec le temps. Aujourd’hui, ces « voix », ces « lanceurs d’alerte » : Ghandi, Martin Luther King, Mère Térésa, l’Abbé Pierre, Pape François, Pierre Rabhi… sont-ils nos nouveaux prophètes ? Sachons cette semaine être en éveil de ses décrypteurs et annonceurs de l’histoire en marche, et sachons inventer de nouvelles pages à la lumière de la pensée sociale de l’Église.

Bon Festival Notre-Dame !

Père Pierrick Jégonday
Curé de la paroisse de Lamballe

Retour sur deux conférences marquantes

Vendredi 3 mai, s’est tenue une conférence au cinéma Le Penthièvre sur le thème : « Qui sont les prophètes aujourd’hui ? » avec pour conférencier le Père Dominique Greiner, assomptionniste et rédacteur en chef à La Croix. Une table-ronde a suivi avec comme invités Mgr Albert Rouet, archevêque émérite de Poitiers, et Père Bernard Devert, fondateur du mouvement Habitat Humanisme. Près de 200 personnes avaient fait le déplacement en vue d’écouter les échanges.

En introduction, Pierre Labbé, animateur de la soirée, a donné une première définition sur ce qu’était un prophète. « Un prophète, c’est quelqu’un qui a un désir profond de changer le monde, auprès des plus démunis. Il faut avoir de la volonté, ne pas avoir peur, dépasser ses habitudes et avoir la capacité de s’étonner pour faire évoluer nos limites. Tout un chacun, nous pouvons être prophète pour le monde et pour notre Église de demain ».

S’il on se réfère à la Bible, le dernier prophète à proprement parlé s’incarne au travers de Jean-Baptiste, ce qui fait dire au Père Dominique Greiner, qu’« il n’y a plus de prophètes aujourd’hui ». Cependant, ce dernier rebondit sur sa propre affirmation en soulignant que « la recherche du prophétisme n’est pas là où on l’attend », prenant en exemple les moines de Tibhirine. Celui-ci a reproché à la société actuelle de ne pas « toujours savoir regarder », questionnant l’assemblée de « quelle écoute étions-nous capables pour voir de nouveaux prophètes ». Le Père Dominique Greiner s’est livré un exposé sur ce qu’enseignait la Bible des prophètes avant d’ouvrir sur leur fonction-même au sein d’une communauté. « Dieu a parlé par les prophètes. Nous appartenons à une histoire, à une religion prophétique qui se distingue des religions mystiques de l’Extrême-Orient », souligne-t-il en interpellant la salle sur ce que cela pouvait nous dire pour aujourd’hui. « Est-ce que le cléricalisme contre lequel se bat le Pape François n’est-il pas le refus du prophétisme ? Le Pape François nous dit que le prophète a le regard pénétrant. Le prophète ne porte pas sa propre parole mais celle de Dieu, une parole qui est encore actuelle ! » Le Père Dominique Greiner va plus loin en affirmant que « le prophète est celui qui a le courage d’annoncer le chemin de l’avenir en se tenant du côté des pauvres et des sans-défenses parce que Dieu lui-même est de leur côté. Le prophète se tient là où Dieu le convoque ».

Ce dernier appelle ne pas être « simplement des beaux parleurs » mais à être « un homme d’action » en vue d’être capable d’ « inventer des lieux de fraternité ». « Les prophètes ont encore quelque chose à nous dire, c’est un patrimoine vivant », a-t-il martelé, appelant au sursaut d’une mort spirituelle qui apparaît comme inévitable en cas de « refus d’accepter la Parole de sagesse ». Le Père Dominique Greiner a rejeté l’idée que le prophétisme était réservé aux clercs, qu’ils soient prêtres ou évêques. « Il est insupportable de penser que la grâce du baptême n’opère pas, alors que tout baptisé est prêtre, prophète et roi », comme le rappelle le rituel d’initiation chrétienne. « Une voix prophétique est nécessaire chaque fois que la paix n’est pas au rendez-vous, dès que les droits des pauvres et de la Terre sont bafoués. Le Pape François appelle les baptisés à être des prophètes du changement », souligne le Père Dominique Greiner. Ce dernier a rappelé que cette tâche prophétique « était lourde et pas facile à porter ». C’est là que le prophète « doit se souvenir qu’il n’est pas seul » mais lié à une vie d’Église. « L’Église et la communauté paroissiale ont un rôle profondément prophétique, tout comme la dimension œcuménique », a-t-il rappelé avec force.

Durant la table-ronde qui a suivi l’intervention du Père Dominique Greiner, Mgr Albert Rouet a interpellé la salle autour du courage manqué dans l’application du Concile Vatican II. « Quand un corps a peur, il se replie sur lui-même. Il n’y a pas que la censure pour condamner quelqu’un au silence, il y a aussi la frilosité », précisant par la même occasion que « plus on attend, plus il sera difficile de trouver des solutions et de les appliquer ». Mgr Albert Rouet s’est félicité de la richesse que représentait les baptisés dans l’Église, déplorant par la même occasion qu’un curé « doit gérer un territoire de la taille d’une sous-préfecture alors qu’il n’a pas les moyens d’un sous-préfet ! » Tout ceci représente autant de frein à une vision prophétique comme présentée par le Père Dominique Greiner. Quant au Père Bernard Devert, celui-ci a appelé la société à un sursaut par « le passage de la notion d’individu, habité par ses illusions de puissance, à celle de personne qui prend sa place, conduisant ainsi au déplacement ». Le fondateur d’Habitat Humanisme s’est révolté contre l’indifférence face à « des hommes et des femmes [qui] manquent de tout ». « La parole que nous devons avoir au sein de l’Église est de savoir comment nous faisons face au drame des pauvres et du mal-logement. Comment accepter que des enfants vivent un présent difficile qui compromet leur avenir ? Comment trouver une parole actée qui n’acceptera pas qu’il y ait des morts physiques, psychologiques et spirituels ? C’est un défi à relever et il nous faut le relever ensemble ! » A l’écoute des divers échanges, le Père Pierrick Jégonday, curé de la paroisse de Lamballe, a conclu la soirée : « La question, ce n’est pas de savoir qui vient à l’Église mais vers qui l’Église va ? ».

Samedi 4 mai, le temps-fort de la veille a donné suite à une seconde conférence-débat au cinéma Le Penthièvre sur le thème : « Qui sont les prophètes aujourd’hui dans notre Église ? » avec pour conférencier Mgr Albert Rouet, archevêque émérite de Poitiers et en présence du Père Hervé Le Vézouet, vicaire général du diocèse de Saint- Brieuc, et du Père Pierrick Jégonday, curé de la paroisse de Lamballe.

En introduction, Pierre Labbé, animateur de cette matinée, a ouvert cette conférence en soulignant au vu des échanges de la veille que « la pensée sociale [était] à renouveler car le monde lui-même est en perpétuelle évolution ». Celui-ci a rappelé que, durant l’organisation de la 8ème édition du Festival Notre-Dame que l’équipe de préparation avait été « interpellée sur que nous pouvions faire de concret. Par exemple, Habitat Humanité cherche des bénévoles, voici une idée concrète d’engagement ! ». Par ailleurs, Pierre Labbé a rappelé qu’« une utopie [était] toujours possible si on savait être libre et si on savait fédérer autour de nous. Il ne suffit pas d’avoir des convictions mais savoir faire communauté avec tous pour faire évoluer le monde ».

Mgr Albert Rouet a d’emblée signalé que le prophétisme revêtait plusieurs sens. « A l’origine, les prophètes étaient des personnes chargées de révéler la Parole des divinités. Cette forme de prophétisme avait une place ancrée dans la communauté. Être prophète était également une fonction. A la cour du roi, les prophètes avaient une place institutionnelle qui nous paraît paradoxale aujourd’hui. Aussi, il y avait des individus dont leur rôle était d’expliquer comment la Parole de Dieu pouvait orienter la fidélité du peuple dans des circonstances précises. » L’archevêque émérite de Poitiers a rappelé qu’être prophète n’était pas un désir mais « une vocation qui s’imposait ». Peu à peu, la fonction institutionnelle que représente le prophète va disparaître « le jour où l’Église primitive est confrontée à des problèmes tels que la multiplication des communautés », explique Mgr Albert Rouet. Le clergé, dans sa hiérarchisation actuelle, apparaît alors indispensable afin de répondre aux nouvelles réalités pastorales. « Le clergé va absorber différentes fonctions existantes à l’époque [dont le titre de prophète] pour assurer la survie des communautés chrétiennes. Aujourd’hui, nous arrivons peut-être à la fin de ce schéma », présage-t-il sans certitudes. Ce dernier développe sa pensée en expliquant qu’« à une certaine époque, le curé était le seul à savoir lire et écrire. Aujourd’hui, tout le monde sait lire et écrire, a le téléphone et même internet, les routes sont goudronnées. S’il y a un regard prophétique à apporter, c’est un changement de regard sur notre société ».

Alors que Mgr Albert Rouet constate la demande pressante de prêtres face à la baisse des vocations sacerdotales, celui-ci demande davantage « de collaborateurs pour aider les prêtres dans leur mission ». A la lumière d’un passage de la première lettre aux Corinthiens (1 Co 12, 4-26)*, il rappelle que « chaque baptisé reçoit une qualité pour le bien de tous lors du baptême », interpellant par la même occasion la salle : « Fait-on bénéficier la communauté d’un don donné par l’Esprit Saint ? ». Mgr Albert Rouet a voulu provoquer des réactions chez le public à la réalité de l’Église actuelle. « Qu’est-ce qu’on attend d’un prêtre ? Voilà la vraie question. Ce système centralisé autour du prêtre est en train de s’écrouler. On s’entête, on s’obstine ! On est entré dans une contradiction insoluble car le problème est le fonctionnement-même de nos communautés. Oui on peut faire autrement, bien sûr ! »… avant de rappeler que « le culte n’a de signification que s’il est enrobé d’engagement ». Cependant, loin de sa pensée l’idée de disqualifier la fonction du prêtre, Mgr Albert Rouet a rappelé l’importance de redonner les lettres de noblesse à ce dernier. « C’est lui qui fait le lien entre les communautés afin qu’elles ne se referment pas sur elles-mêmes. Le prêtre reste l’homme qui décide des sacrements car cela touche à l’essence-même de la foi. Et c’est lui qui impulse l’élan missionnaire des communautés pour annoncer l’Évangile. » En conclusion de son intervention, l’archevêque émérite de Poitiers a dit son « immense respect pour le peuple de Dieu en tant que peuple de prophètes. Nous avons peut-être des fonctions différentes mais nous sommes tous égaux devant le Christ ».

Lors de l’échange avec la salle, il a été demandé aux Pères Hervé Le Vézouët et Pierrick Jégonday comment ce basculement ecclésial était vécu et accompagné dans le diocèse de Saint-Brieuc. Le vicaire général a cité notamment le synode diocésain « où de belles choses ont été vécues et expérimentée ». Le Père Hervé Le Vézouët a reconnu que l’Église vivait « une période de transition et de conversion où nous sommes tous appelés à la mission ». Ce dernier a appelé à être lucide face à la charge de travail demandé aux clercs. « On ne peut pas tout attendre de l’autorité du prêtre. Certains paroissiens nous [les prêtres] apostrophent sur ce qui est fait – ou non. À cela, je réponds : Qu’est-ce qui peut être fait ensemble ? Comment pouvons-nous tous prendre notre part, là où nous sommes ? » Pour le Père Pierrick Jégonday, celui-ci souhaite que « le temps d’appropriation et d’apprivoisement » soit respecté lorsqu’un nouveau prêtre arrivait sur une paroisse. « La communauté a besoin de son pasteur mais le pasteur a également besoin d’être soutenu par sa communauté. Les prêtres ont besoin de fraternité. » Pierre Labbé a conclu cette matinée d’échanges en soulignant que l’Église était « dans une urgence » face à laquelle les paroissiens devaient « se poser les questions sur comment pouvaient se régénérer leurs paroisses. Il faut que nous trouvions de nouvelles voies. Osons réfléchir ensemble entre prêtres et laïcs ! »

*1 Co 12, 4-26 : Ainsi le corps n’est pas un seul membre, mais il est formé de plusieurs membres. Si le pied disait : Parce que je ne suis pas une main, je ne suis pas du corps, ne serait-il pas du corps pour cela ? Et si l’oreille disait : Parce que je ne suis pas un œil, je ne suis pas du corps,  ne serait-elle pas du corps pour cela ? Si tout le corps était œil, où serait l’ouïe ? S’il était tout ouïe, où serait l’odorat ? Maintenant Dieu a placé chacun des membres dans le corps comme il a voulu. Si tous étaient un seul membre, où serait le corps ? Maintenant donc il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’oeil ne peut pas dire à la main « Je n’ai pas besoin de toi » ; ni la tête dire aux pieds « Je n’ai pas besoin de vous ». Mais bien plutôt, les membres du corps qui paraissent être les plus faibles sont nécessaires ; et ceux que nous estimons être les moins honorables du corps, nous les entourons d’un plus grand honneur. Ainsi nos membres les moins honnêtes reçoivent le plus d’honneur, tandis que ceux qui sont honnêtes n’en ont pas besoin. Dieu a disposé le corps de manière à donner plus d’honneur à ce qui en manquait, afin qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les membres aient également soin les uns des autres. Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui.

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