Sur les pas de l'abbé Mathurin L'Hotellier, Trégueusien en voie de béatification
Le 13 mars 2024, à la chapelle des Lazaristes (Paris 7ème), une messe d’action de grâce a été célébrée après la séance de clôture de l’enquête diocésaine pour la cause en canonisation de Mgr Jacques-Émile Sontag et de ses trois compagnons. Elle fut présidée par Mgr Michel Guéguen, vicaire général, mandaté par l’archevêque de Paris.
Mgr Sontag et ses 3 compagnons : qui étaient-ils ?
Né en Alsace en 1869, Charles-Émile Sontag rentre chez les lazaristes, et part bientôt pour la mission de Perse. D’abord à Ourmiah, il gagne ensuite Téhéran où il fonde en 1909 l’École Saint Louis, qui va très tôt s’ouvrir aux élèves musulmans. En 1910, il est nommé délégué apostolique de la Perse et archevêque latin d’Ispahan. Jusqu’en 1914, il travaille à consolider les œuvres lazaristes dans un contexte politique et économique très difficile. Mgr Sontag crée un collège à Ourmiah, et s’attache à former un clergé autochtone. Il œuvre activement jusqu’en 1918 à protéger ses fidèles et à maintenir un semblant de paix.
Mathurin L’Hotellier est né à Trégueux, en Bretagne, en 1883 et ordonné prêtre en 1911 sur l’île de Santorin. En mission dans la petite ville de Khosrava, il est tué par les Turcs en juin 1918 après d’atroces tortures.
Nathanaël Dinkha, chaldéen catholique né en 1846 à Khosrava en Perse, fait le voyage en France à pied pour demander à entrer dans la Congrégation lazariste. Ordonné prêtre à Jérusalem en 1875, il est envoyé en mission de par le monde, notamment à Madagascar, puis revient dans son pays natal en 1911. En juillet 1918, il reste à son poste à l’hôpital d’Ourmiah, et meurt en tentant de protéger les blessés qui y étaient soignés.
Enfin François Miraziz, chaldéen catholique né lui aussi à Khosrava en 1878, entre au séminaire lazariste de cette ville. Ordonné prêtre en 1902, il est installé dans sa ville d’origine. Il est tué par les Turcs en juin 1918, lui aussi torturé.
Pour aller plus loin
Zoom sur l'abbé Mathurin L'Hotellier
Lettre du Supérieur du Berceau de Saint-Vincent de Paul (près de Dax) adressé à Mgr Fallières, évêque du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, le 23 août 1903.
« Nous avons depuis huit ans à notre école apostolique L’Hotellier Mathurin Louis Marie, né à Trégueux, le 16 janvier 1883. Il a encore son père et sa mère. Néanmoins, il a passé quelques temps à l’orphelinat des Filles d la Charité de Saint-Brieuc et ce sont les sœurs qui nous l’ont envoyé. […] Il y a chez lui un ensemble de qualités qui lui permettront de se rendre bien utile dans les missions étrangères. »
Lettre de Mathurin L’Hotellier, prêtre de la Mission à son supérieur, M. Berthounesque. Tauris, le 26 février 1915.
« Avant de commencer, je vous demande la bonté de dire une messe d’actions de grâces pour remercier la Vierge puissante de la protection visible dont elle a bien voulu nous couvrir durant ces tristes jours. Le 25 décembre, nous avons fêté Noël avec grande solennité. M. Nicolas, consul de France, le colonel et beaucoup de soldats (plus de cent) étaient heureux au milieu de tous ces bruits de guerre de se retremper dans la confiance de Dieu. Le 30 et le 31 décembre, bon nombre d’habitants commencèrent à s’enfuir vers Tiflis. Le 1er janvier, dans la ville, grande panique. Tout le monde se demandait : que faire ? Presque tous les chrétiens, sauf les plus pauvres, se mirent en route pour Djoulfa, les uns en voiture, les autres en fourgon, en charrette, à cheval, à âne, à pied… D’Européens, il ne restait qu’une famille, les sœurs et nous, car nous étions bien décidés à ne pas quitter notre poste. Sans consuls, sans aucune protection officielle, nous comptions surtout sur la Vierge puissante. Nous lui avions promis, si elle gardait bien nos deux maisons, un superbe manteau royal et toute une parure de lis blancs : à vous de nous aider à tenir notre promesse. Nous avons cependant mis en sûreté ce que nous avions de plus précieux ; les sœurs en ont fait autant, et nous avons attendu tranquillement. […]
« Le 6, nous célébrâmes la fête de l’Epiphanie de notre mieux, nous nous contentâmes d’une messe basse car les livres de chant avaient été cachés. Jeudi 7, les Russes quittaient la ville pour se rendre à l’Hadji-Tchay. Le vendredi matin 8, tous quittaient la station ; et le soir, à cinq heures, les Kurdes faisaient leur entrée dans la ville. […] Dès le matin, j’avais vite envoyé les sœurs à la Mission américaine pour qu’elles fussent en sûreté. Il ne restait personne dans leur maison. Avant de partir, elles s’étaient contentées de placer sur le toit la statue du Sacré-Cœur. […] Je me rendis chez les réfugiés car nos classes étaient occupées par des Arméniens et des Chaldéens qui, ayant peur, étaient venus demander notre protection : nous la leur avions promise volontiers, quoique nous ne fussions pas plus en sûreté qu’eux-mêmes. […]
« Le mardi, nous eûmes la visite de six Kurdes qui voulaient absolument monter sur le clocher. Ces mêmes Kurdes revinrent le lendemain ; nous leur fîmes visiter l’église pour bien les convaincre que nous n’y cachions pas d’armes. […] Les sœurs ont soigné six soldats russes chez elles : les six sont partis guéris ; elles en ont arraché un à la mort. Ils étaient très contents. L’infirmier lui-même pleurait en quittant la maison. Le mardi 2 février, nous avons chanté une messe d’action de grâces. Au moment où nous chantions le Te Deum, le canon nous accompagnait. On vint en toute hâte nous annoncer que l’église brûlait. En un bond, nous y fûmes et, hélas ! Trop tard ! Notre crèche, si belle, que nous devions défaire le lendemain n’existait plus. Tout avait disparu : il ne restait plus rien. »
Semaine religieuse du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier du 11 octobre 1918. Nécrologie.
« Le R.P. L’Hotellier, lazariste, massacré par les Turcs. Nous apprenons par La Croix des Côtes-du-Nord que l’un des missionnaires récemment massacrés par les Turcs avec Mgr Sontag, archevêque d’Ispahan, délégué apostolique de la Perse, et les chrétiens d’Ourmiah, est notre compatriote le R.P Mathurin L’Hotellier, né à Trégueux en 1883, missionnaire à Tauris (Perse). Nous le recommandons aux prières de nos lecteurs. On sait que le Souverain Pontife a fait télégraphier à ce sujet au délégué apostolique à Constantinople. Des démarches sont faites de divers côtés en vue d’informations précises. »
Ouvrage « Martyrs par amour en Perse – Mgr Sontag et ses trois compagnons » de Joseph Yacoub, professeur honoraire à l’Université catholique de Lyon, et Claire Yacoub. Editions Salvator – Juin 2022.
En 1930, on a une pensée pour Mathurin L’Hotellier en Bretagne. Sur la tombe familiale des L’Hottelier–Philippe, au cimetière de Trégueux, où reposent ses parents, ainsi que sa sœur et son mari, il y a une plaque commémorative sur laquelle on lit : ‘A la mémoire de Mathurin L’Hôtellier, leur fils, missionnaire massacré en Perse, juin 1917.’ En outre, dans le livret ‘Trégueux (1891-1991) : une page d’histoire, paru à l’occasion du centenaire de l’église Saint-Pierre de Trégueux, figure le nom de Mathurin L’Hotellier comme prêtre originaire de cette ville. Cette mémoire traverse les années.' »
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