06 juin 2024. Commémoration des 80 ans du Débarquement
A l’occasion de la déclaration du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France (CEF) à l’occasion de la commémoration des 80 ans du Débarquement, Mgr Denis Moutel – évêque de Saint-Brieuc et Tréguier – a souhaité publier ce message.
Message de Mgr Denis Moutel
Chers amis,
80 ans après le 6 juin 1944, nos compatriotes et les nations du monde entier suivent les commémorations qui se tiennent aujourd’hui même sur les plages de Normandie.
Vous trouverez, en pièce jointe, la déclaration des évêques du conseil permanent de la CEF à laquelle je m’associe pleinement.
Que cette journée d’émotion et de mémoire soit portée dans notre prière et nous engage pour la justice et pour la paix.
+ Denis MOUTEL
Évêque de Saint-Brieuc et Tréguier
Déclaration du Conseil permanent de la CEF
Le 6 juin 1944, ils furent des dizaines de milliers de jeunes à débarquer sur les plages de Normandie sous le feu des troupes de l’Allemagne nazie. Ils venaient combattre pour que nous autres, pays de la vieille Europe, puissions à nouveau vivre libres. Ils débarquaient même avec l’espoir d’avancer assez vite pour épargner aux pays du Centre et l’Est de l’Europe de passer sous la domination soviétique. Ils venaient de tous les pays du monde.
Beaucoup sont morts, beaucoup ont été blessés ; beaucoup sont sortis de cette guerre en portant des traumatismes dont peu ont parlé, que nous connaissons mieux aujourd’hui mais auxquels, alors, on n’a guère prêté attention. Nous sommes en dette, nous Européens, à l’égard de ces hommes et de ces femmes.
Ils n’étaient pas parfaits, ils n’étaient pas sans violences ni sans préjugés. Les pays qui les envoyaient nous aider avaient leurs propres intérêts. Contrairement aux nazis et aux soviétiques, cependant, ils ne prétendaient pas instaurer un « homme nouveau », celui d’une race dominante et pas davantage celui d’une pensée totalisante. Ils se battaient pour que l’humanité soit faite d’êtres humains, tout simplement, dans leur diversité, rendus capables de vivre, de sentir, de partager, d’imaginer, de construire à hauteur d’hommes mais avec toute l’énergie et l’inventivité dont l’humanité est capable.
A ces combattants courageux, nous devons la liberté, la prospérité et la paix dans lesquelles nous vivons en Europe occidentale. L’immense lutte qu’ils ont menée a transformé l’ordre politique mondial, fait grandir chez tous les peuples l’idée de libre détermination, d’égalité politique et de liberté, entamé la fin des empires coloniaux. Nous leur devons aussi la capacité où nous sommes de revoir notre histoire à la recherche d’une plus haute conscience morale.
Certains étaient Français et ont, avec les Résistants de l’intérieur, sauvé l’honneur de notre pays ; quelques-uns étaient juifs ; ils voulaient combattre pour arracher les leurs à la destruction dont l’ampleur allait être encore découverte ; beaucoup étaient britanniques ou américains ou canadiens ou australiens et beaucoup venaient des différents peuples de ce que l’on appelait alors les empires coloniaux. Nombreux parmi les combattants venus à notre secours étaient les musulmans, nombreux aussi les hindous, nombreux les chrétiens de toutes confessions, d’autres n’avaient pas de religion, voire se méfiaient de toute religion. A eux tous, nous devons d’avoir pu construire un vaste espace de coopération, de libre circulation des personnes et des biens, de prise en charge des enjeux communs. Nous, Européens, plus que les autres peuples de la terre, avons une dette à l’égard du monde entier.
En ce 6 juin, nous en faisons mémoire avec gratitude, avec une infinie reconnaissance. Nous pensons aux familles qui, ce jour-là et dans les jours qui ont suivi, ont perdu l’un des leurs ; à celles dont un fils ou un frère ou un fiancé a été blessé ou abîmé à jamais. Nous pensons aussi aux civils de tous âges et conditions qui furent victimes des bombardements et des combats, à ceux et celles dont les maisons et les villages ou les quartiers furent détruits. Nous prions pour tous et pour toutes avec conscience de la dette que nous avons à leur égard. Nous prions unis, de toutes les confessions chrétiennes et en nous associant à nos frères et sœurs de toutes religions.
Ce que nous faisons de notre continent se doit d’honorer ceux qui ont mis leur vie en jeu pour nous.
Nous n’avons pas le droit de construire notre Europe comme un ensemble d’États repliés sur leur identité, soucieux de leurs seuls intérêts, alors que tant de fils de l’Amérique et de l’Océanie et l’Afrique se sont battus pour que nous ne vivions pas sous le joug de l’idéologie, celle de la race ou celle de la collectivisation.
Nous n’avons pas le droit de négliger nos responsabilités à l’égard du monde entier, alors que le monde entier s’est mobilisé pour nous permettre d’être maîtres de notre destinée.
Quatre-vingts ans après le débarquement en Normandie, où en sommes-nous ? Quelle France voulons-nous être ? A quelle Europe voulons-nous participer ?
L’Europe est une réalité reçue de la géographie et de l’histoire. Elle est aussi un projet. L’Union européenne en est le moyen. Alors que nous nous préparons à élire dimanche nos représentants au Parlement européen, ne nous trompons pas de questions ni d’enjeux.
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