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Fin de vie : « Il y urgence à ne pas se précipiter »

Jeudi 1er décembre 2022, le diocèse de Saint-Brieuc organisait une conférence-débat sur la fin de vie au lycée du Sacré-Cœur à Saint-Brieuc, en présence de soignants engagés en unité de soins palliatifs et de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes et responsable du groupe de travail « Bioéthique » à la Conférence des Evêques de France (CEF). Près de 300 personnes ont répondu présent.

« Dans le débat qui anime la société actuellement, c’est important de déconstruire les idées reçues sur ce que sont les soins palliatifs. C’est une spécialité remplie de préjugés et qui suscite bien souvent une admiration mêlée d’effroi de ceux qui en font leur métier », explique en introduction de la conférence Dr Marie-Laure de Latour, responsable de l’unité de soins palliatifs à la Polyclinique Saint-Laurent de Rennes. Ces soins actifs « ne traitent pas que la fin de vie, qui est une idée forte dans l’esprit du grand public. Ce qui est moins su, c’est que les soins palliatifs précoces permettent d’allonger l’espérance de vie des patients qui ont des profils extrêmement variés ».

Cela fait écho aux propos du Dr Frédérique Nivet, responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs du Centre Hospitalier de Dinan. « La question de la fin de vie est une réflexion complexe qui ne s’arrête pas aux questions de dignité, d’autonomie et de liberté de chacun. Pour les équipes soignantes, nous avons à nous questionner sur ce qu’il y a derrière la demande à mourir. Il y urgence à ne pas se précipiter », a-t-elle rappelé avec insistance. « Par exemple, lorsque nous arrivons à apaiser des douleurs, la demande d’euthanasie tombe d’elle-même. »

Ainsi, quelque soit l’évolution du cadre législatif en matière de fin de vie, « il nous faut continuer d’accompagner l’immense majorité des patients qui ne demanderont jamais l’euthanasie qui n’est pas la seule solution » pour soulager les souffrances, souligne Dr de Latour, interpellée notamment sur l’établissement de directives anticipées. « Les directives anticipées permettent de réfléchir et de se poser des questions. Est-ce qu’il faut les écrire ? Cela est une question très personnelle », répond-elle. « Tant que la personne peut s’exprimer, nous devons récupérer avant tout son expression. Les directives anticipées sont une aide, un guide, mais ce n’est pas écrit dans le marbre », rajoute le Dr Frédérique Nivet.

Stéphane Melot, responsable de l’équipe mobile de soins palliatifs au Centre Hospitalier de Dinan, a quant à lui attiré l’attention sur l’Avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) voté en juin 2022. « Dès la page d’introduction, l’Avis 139 du CCNE dit qu’il y a une ouverture possible au suicide assisté en France sous certaines conditions », pointe-t-il une évolution du cadre législatif qui porte à débat. « Il est évoqué, en même temps, la question de la liberté et du principe de solidarité : la défense de l’autonomie absolue d’une personne et le devoir de l’accompagner nous placent dans une contradiction. »

Le CCNE considère qu’il existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir, mais qu’il ne serait pas éthique d’envisager une évolution de la législation si les mesures de santé publique recommandées dans le domaine des soins palliatifs ne sont pas prises en compte. A l’instar de ses travaux passés relatifs à la fin de vie, le CCNE met l’accent dans cet avis sur deux principes fondamentaux : le devoir de solidarité envers les personnes les plus fragiles, et le respect de l’autonomie de la personne. La conciliation de ces deux principes demeure la ligne directrice du présent avis en toutes ses composantes.
Extrait de l’avis 139
Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité

Mgr Pierre d’Ornellas a souhaité prendre de la hauteur dans le débat actuel autour de la fin de vie et rappeler qu’« il n’y a pas deux camps, celui de la force et celui de la faiblesse, le camp de la liberté individuelle et le camp du lâcher-prise » ; rappelant le principe selon lequel « nous avons tous la même humanité. Nous sommes des êtres vulnérables, donc interdépendants » qui avons en commun « notre finitude ». L’archevêque de Rennes a rappelé « le drame de l’existence humaine », celui de ne pas « consentir à la vulnérabilité, c’est-à-dire rester dans la force d’une manière ou d’une autre ». L’occasion pour ce dernier de pointer l’individualisme, « une difficulté majeure que rencontre l’existence humaine », ce « virus » dont il est « difficile à guérir selon le pape François ». Pour lui, le progrès de la technique place l’être humain « dans l’illusion de la force ». L’archevêque de Rennes se refuse ainsi de voir « la force de la médecine face à la faiblesse du patient », mais plutôt comment « le soignant se laisse traverser par la vulnérabilité du patient ». Mgr d’Ornellas a appelé les participants à comprendre qu’« être fragile [n’était] pas une indécence mais, au contraire, le lieu d’une fraternité étonnante ». « Ne laissons pas l’individualisme être notre roi, choisissons une reine : la fraternité », a-t-il conclu.

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