« Jésus nous rejoint partout là où nous sommes. En êtes-vous convaincus ? »
Samedi 11 mars 2023, l’équipe d’aumônerie de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc s’est retrouvée au n°1 de la rue des Fusillés, quartier Gouëdic, pour un temps de prière avec les personnes incarcérées qui le souhaitent. Douze hommes se sont présentés en début d’après-midi au local qui accueille les fidèles, toute religion confondue, à chacun de personnaliser les lieux. On y place un autel au centre sur lequel est allumé une bougie à l’effigie de Charles de Foucault, une croix est installée au mur et une statue d’une Vierge à l’enfant est posée sur un rebord. Les murs, quant à eux, sont décorés à l’année de photos représentant des bateaux, et d’une phrase du philosophe Paul Ricoeur : « Tu vaux mieux que ta faute ». (*Les prénoms des personnes incarcérées ont été modifiés.)
Vincent est accompagnant de célébration bénévole à l’aumônerie de la maison d’arrêt depuis quatre ans. « Intégrer l’aumônerie fut un réel choix, cette mission me porte dans la foi. Nous vivons de beaux moments de joie et de partage avec les personnes incarcérées », explique-t-il en sortant de la Maison d’accueil des familles située de l’autre côté de la rue. Son témoignage rejoint celui de Maryvonne, bénévoles depuis cinq ans. « Lors de ma première visite, j’ai demandé au Seigneur ce que je faisais là. Aujourd’hui, cela me touche profondément de les entendre », souligne-t-elle en attendant de passer les contrôles de sécurité imposés par l’autorité pénitentiaire. « J’ai besoin de participer à la messe en paroisse afin de prier pour eux. Je suis poussée par une force qui me dépasse, cette mission me booste dans ma foi. Avec eux, j’ai toujours l’impression d’avoir appris quelque chose de nouveau. »
Avant d’entrer dans ce temps de prière, Edith, aumônier à la maison d’arrêt de Saint-Brieuc, aime discuter avec ceux qui ont fait le choix de pousser la porte de l’aumônerie. « Avant d’être incarcéré, je ne venais plus à l’Église, je priais de chez moi », témoigne Noah*. « Depuis que je suis ici, le Seigneur m’a montré le chemin de l’aumônerie. Ça m’aide beaucoup de venir. » Pour Moussa, participer aux différents temps de prière lui « apporte de la paix au cœur ». « J’étais servant d’autel quand j’étais plus jeune, la messe est un moment bénéfique pour moi… Et ça crée un contact avec l’extérieur. » Robert hoche la tête et rebondit à ce qui vient d’être dit. « Cela m’apporte du réconfort. On vit un moment de partage avec le Seigneur et entre nous, on se connaît tous ici. » Pour Henri, ces temps vécus à l’aumônerie lui offrent l’occasion d’« évacuer [sa] peine ». « J’ai décidé de me confesser la prochaine fois avec le prêtre… pour me libérer de mes péchés. »
Edith leur rappelle que c’est « une liberté donnée à tous » que de pouvoir rencontrer un prêtre. « Ça s’appelle la liberté de culte. Ici, nous ne sommes pas jugés, nous sommes accueillis tels que nous sommes, là où nous en sommes, chacun sur son chemin personnel. » Au moment de sortir le livret « Prions en Église » pour entrer dans la célébration, Mickaël sursaute. « Mince, j’ai oublié le mien dans la cellule ! » Édith, qui avait prévu cette éventualité, lui en donne un nouveau. Trois autres mains se lèvent et les exemplaires se partagent. « Aujourd’hui, j’aimerais qu’on ait une pensée pour ma maman qui vient de décéder. Elle vit en Martinique, je ne pourrai pas être présent aux funérailles », soupire Noah. Les fidèles entament ensemble le chant d’entrée. « Louez le Dieu de lumière, Il nous arrache aux ténèbres. Devenez en sa clarté des enfants de sa lumière. Jubilez, criez de joie. Acclamez le Dieu trois fois Saint. Venez le prier dans la paix, témoignez de son amour. »
Puis vient la lecture de l’Évangile dit « de la Samaritaine ». Après un temps de silence, chacun est invité à dire ce qu’il a compris. « L’eau que sert la Samaritaine à Jésus, je vois ça comme une image. L’eau, c’est la vie… la bonté aussi, la sagesse », répond Henri. « L’eau, c’est ce qui restaure intérieurement. Jésus nous donne ce dont on a besoin pour être un homme debout », renchérit Moussa. « La Samaritaine ouvre son cœur devant Jésus, nous aussi nous devons être en vérité devant le Seigneur », rajoute Édith. « Durant le Carême, nous sommes tous appelés à nous laisser changer, à vivre un chemin de conversion. Jésus nous rejoint partout là où nous sommes. En êtes-vous convaincus ? » « Oui, sinon on ne serait pas là ! », lui rétorque Robert, un sourire en coin.
Après ce temps d’échange, les fidèles prennent ensemble la prière universelle. « Le Christ a souffert sa passion et Il est ressuscité. Que ce soit un jour de joie et de confiance pour nos familles et nos amis, et pour que ta grâce aide nos victimes dans le difficile chemin du pardon. Nous te prions Seigneur. » Puis tous se tournent vers la Vierge Marie pour un chant final. « Dans l’angoisse et les périls, le doute ; quand la nuit du désespoir te recouvre, si devant la gravité de tes fautes la pensée du Jugement te tourmente. Regarde l’étoile, invoque Marie, si tu la suis tu ne crains rien. Regarde l’étoile, Invoque Marie, elle te conduit sur le chemin. » Cette réalité pastorale et ces échanges hebdomadaires sont rendus possible grâce, notamment, à l’importance d’un travail en équipe ponctué de réunions de préparation et de temps de ressourcement.
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