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Zoom sur le rapport statistique sur l'état 2025 de la pauvreté en France

Le Secours Catholique – Caritas France a publié le 20 novembre 2025  son rapport statistique annuel sur l’état de la pauvreté en France. À cette occasion, l’association revient sur 30 ans d’observation de situations de pauvretés en France. Parmi ces évolutions : l’accroissement de la part des femmes, des familles et des personnes en situation de longue maladie ou de handicap parmi les personnes accueillies par le Secours Catholique.

Editorial

Il y a trente ans, le Secours Catholique faisait le choix de documenter, chiffres à l’appui, ce que ses bénévoles observaient au quotidien : la pauvreté, dans toutes ses réalités. Année après année, ce rapport est devenu bien plus qu’un outil statistique. C’est une vigie, un baromètre du visage changeant de la pauvreté, mai aussi un cri adressé à la société et aux pouvoirs publics.

En 1994, la lutte contre l’exclusion était déclarée « grande cause nationale », ouvrant la voie à des avancées législatives majeures. En 2025, c’est dans une quasi-indifférence que l’Insee a annoncé un taux de pauvreté record depuis près de trente ans : 15,4 %, soit près de dix millions de personnes concernées. Comment expliquer ce paradoxe, entre l’urgence croissante et la fatigue collective face à ce phénomène structurel ?

Les données recueillies par le Secours Catholique racontent une histoire sans fard : l’appauvrissement presque continu des ménages accueillis, principalement des femmes et des enfants, la part croissante des ménages ne vivant sans aucune ressource, la précarité aggravée des personnes étrangères privées de droits, la hausse des personnes à l’état de santé dégradé. Elles rappellent aussi une évidence trop souvent oubliée : occuper un emploi ne protège plus nécessairement de la pauvreté.

Le Secours Catholique reste fidèle à la conviction qui l’anime depuis sa fondation en 1946 : chaque être humain a droit à une vie digne. À l’heure où la stigmatisation et le fatalisme menacent de gagner, ce rapport factuel entend être une piqûre de rappel. Non pour désespérer, mais pour appeler à un sursaut. Parce que lutter contre la pauvreté n’est pas une utopie : c’est une question de choix collectif.

Didier DURIEZ, président national du Secours catholique
Adelaïde BERTRAND, déléguée générale du Secours catholique

Le visage changeant de la pauvreté

  • – La récente intensification de la pauvreté. En 2024, le niveau de vie médian des ménages accueillis est de 565 euros. Par contraste, entre 2003 et 2022, le revenu moyen des 0,1 % les plus riches en France progressait de 119 %.
  • – Le visage de la pauvreté que rencontre le plus le Secours Catholique, sont les femmes et les enfants. Les femmes représentent 56,5% des adultes rencontrés en 2024, une hausse de 5 points en 30 ans. Les familles avec enfants sont toujours surreprésentées, particulièrement les mamans solo.
  • – En 2024, 52,7 % des adultes accueillis par le Secours Catholique sont de nationalité étrangère, contre 20% en 1994. Surtout, c’est le statut administratif des ménages étrangers qui a changé : en 1999, deux tiers avaient un titre de séjour. En 2024, moins d’un tiers en dispose d’un.
  • – En 2024, 22,8 % des personnes rencontrées relèvent d’au moins une de ces trois catégories : elles déclarent avoir des problèmes de santé, elles perçoivent des prestations liées à un état de santé dégradé et/ou elles sont en situation de handicap.
  • – L’emploi est souvent présenté comme un antidote à la pauvreté. Mais occuper un emploi ne suffit pas à protéger de la pauvreté. 17,9 % des personnes rencontrées par le Secours Catholique occupent un emploi. Leur niveau de vie est très faible.
  • – De façon constante, le taux de chômage des personnes rencontrées par le Secours Catholique est supérieur à ce qu’il est en population générale : 23,4 % contre 7,4 % en 2024. Le Secours Catholique rencontre de plus en plus de personnes durablement éloignées de l’emploi.
  • – Faute d’accès à un minimum de revenus, vivent dans la misère. Les principales demandes formulées sont une aide pour se nourrir (dans plus de 60 % des cas) et souvent aussi pour se vêtir.
  • – La part des retraités vivant sous le seuil de pauvreté a chuté, passant de 35 % dans les années 1970 à moins de 10 % au milieu des années 1990. Pourtant, cette part a presque triplé depuis 1999, marquant un retour progressif de la pauvreté chez les seniors.
  • – Plus d’1 ménage rencontré sur 6 vit en zone rurale en 2024, c’était le cas d’1 sur 8 en 1994. La proportion de ménages vivant en zone rurale a même doublé chez les ménages français, directement liée au vieillissement de la population accueillie davantage marqué en milieu rural.

Immersion auprès du Secours Catholique 22

« Les Amarrés du Légué » est une petite équipe de bénévoles qui a une permanence bimensuelle au port du Légué. Les bénéficiaires y sont accueillis Salle Edelweiss, prêtée généreusement par la Mairie de Plérin, l’occasion d’offrir un repas aux personnes qui le souhaitent – souvent en précarité – afin de trouver réconfort. « Ici, aux Amarrés, c’est l’espérance, la fraternité et le partage ! Tout ça, c’est de l’amour qu’on met dans la marmite », lance d’emblée Charlette, bénévole. Initialement servi sous forme de soupe pour les sans-abris à partir de 2010 par les Filles du Saint-Esprit, ce repas a été repris par le Secours Catholique pour « les personnes accidentées par la vie et qui ont besoin de chaleur humaine ». Sont servis environ 35 assiettes à chaque fois. Les personnes viennent de Saint-Brieuc, de Plérin, de Pordic…

Le Secours Catholique des Côtes d’Armor compte 30 équipes pour 418 bénévoles et 6.500 personnes accuueillies. « Aujourd’hui, il y a une stigmatisation de la pauvreté, qui n’est pas que financière, mais aussi vécue dans la solitude », explique Pascale Hillion, présidente de l’antenne costarmoricaine du Secours catholique. « De plus en plus, les personnes sont touchées par des problèmes de mobilité, ce qui crée des fragilités. Nous accueillons également de plus en plus de familles et de seniors. Aujourd’hui, la pauvreté est devenue conjoncturelle. » Désormais, le Secours Catholique développe de nouvelles initiatives pour venir en aide aux Costarmoricains les plus démunis, par exemple :

  • Le micro-crédit. « Vous croyez en l’égalité des chances et souhaitez faire une réelle différence dans la vie de personnes en situation de précarité ? Rejoignez une équipe de micro-crédit et permettez aux plus précaires de prendre un nouveau départ, de surmonter une difficulté ou de réaliser un projet. » [ En savoir plus ]
  • Les boutiques solidaires. « Avec les 800 boutiques partout en France, au Secours Catholique nous proposons des vêtements et objets de seconde main à petits prix, accessibles aux familles et aux personnes en difficulté. Et si consommer pouvait aussi changer des vies ? » [ En savoir plus ]
  • Les jardins solidaires. « Le jardin solidaire s’impose comme une réponse concrète aux enjeux sociaux et environnementaux actuels. C’est un lieu de partage, de rencontres et de convivialité. Découvrez son mode de fonctionnement, et la manière dont il incarne pleinement les valeurs portées par le Secours Catholique. » [ En savoir plus ]
Les Amarrés

Témoignages de bénéficiaires

Joëlle

Je suis originaire de Dunkerque, je suis arrivée en Bretagne il a quinze ans. J’avais 63 ans. Arriver dans une région que vous ne connaissez pas, ce n’est pas gagné… Je me suis engagée d’abord en tant que bénévole auprès des Restos du Cœur. Je ne connaissais personne et je souffrais de solitude… J’ai rencontré les équipes du Secours catholique à Saint-Quay à travers des ateliers tricot. C’est ici que ma mère est en maison de retraite. Mes grands-parents y avaient une maison de vacances. Puis, j’ai connu le Ty Frat et les Amarrés lorsque j’ai déménagé à Pordic.

J’étais commerciale, j’ai eu une vie cabossée. Une dizaine d’année avant ma retraite, la Sécurité Sociale m’a mise en arrêt invalidité. Ma retraite actuelle ne couvre pas le minimum vieillesse, j’ai un complément APA (allocation personnalisée d’autonomie). Je touche aujourd’hui 1.032 euros. Je ne me sens pas le courage de prendre un nouveau crédit malgré le fait que ma voiture soit veille… mais je ne me considère pas comme pauvre. Je peux avoir des difficultés mais j’essaye de me débrouiller. Je fais du covoiturage sans abuser… Je fais beaucoup de choses moi-même, mes vêtements par exemple et je réalise des broderies pour Noël.

Danièle

J’étais comptable en région parisienne, aujourd’hui j’ai 77 ans. J’ai été veuve à 27 ans avec un enfant à charge. Ont suivi beaucoup d’accidents de la vie, de grands moments de précarité, des problèmes de santé… J’ai un handicap qui ne se voit pas, c’est le cas de le dire. Je suis mal-voyante. Désormais, je ne me déplace qu’en bus. C’est un prêtre sur la paroisse Saint Brieuc qui m’a parlé du Secours Catholique.

Aujourd’hui, je me sens bien. La pension de réversion de mon mari me permet de payer mon loyer. Certains témoignages de migrants sont trop difficiles à écouter. Moi, j’ai un frigo et un toit au-dessus de la tête. J’arrive à manger tous les jours. Je me dis souvent : « De quoi tu te plains ? » Il ne faut pas regarder au-dessus de soi mais toujours en-dessous. Je ne me plains pas de la vie, ma plus grande misère est de ne pas voir mes petits-enfants grandir.

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