Gens du Voyage et Sédentaires : un après-midi pour mieux se connaître
Dimanche 17 mars, l’Association nationale des Gens du voyage citoyens invite Voyageurs et Sédentaires à mieux se connaître durant un après-midi, à la Maison Saint-Yves, à Saint-Brieuc. Ce temps-fort, soutenu par la Pastorale des Gens du voyage du diocèse, permettra de faire tomber certains préjugés et de nouer des relations de confiance entre les cultures.
« Cette invitation est née du constat que les Gens du voyage ne sont pas assez représentés sur le plan départemental et national. Nous voulions ouvrir la porte pour que le public ne s’arrête pas à ce qu’ils voient à la télévision, qui ne reflète pas réellement qui on est », souligne d’emblée Yvan. « J’aimerais dire aux gens : ‘Venez apprendre à nous connaître !’. Les voyageurs ont des choses à vous faire découvrir et vice-versa », ajoute ce dernier.
Cet après-midi sera l’occasion à tous ceux qui le souhaitent de se rencontrer, mais aussi de regarder un film relatant la vie des Gens du Voyage d’aujourd’hui et d’il y a 30 à 40 ans en arrière. Une exposition de sculptures en bois sera également visible et de la documentation sur le mode de vie des Gens du Voyage. Magalie, son épouse depuis 31 ans, espère que durant ces quelques heures, des clichés tombent et que la parole se libère. « Certains comprennent notre mode de vie, d’autres moins. On ne demande qu’à vivre tranquillement sur Terre. Les personnes ont peur de nous car il y a une méconnaissance de l’autre au départ », déplore-t-elle. « Vous savez, quand un sédentaire entre dans notre communauté, il ne veut plus en repartir ! Ce fut le cas de ma mère, et maintenant de ma belle-fille. »
Une réalité méconnue
« Ce qu’on appelle les ‘Gens du voyage’ est une expression française pour désigner ceux qui n’ont pas de résidence fixe », explique Denis Chanteau, responsable diocésain de la Pastorale des Gens du Voyage. « Quant aux Roms, ils font partie de la Pastorale des migrants. Les sédentaires sont à des années-lumière de ces réalités-là. » Et puis, « il y a plusieurs ethnies chez nous : les Gitans dans le sud de la France, les Sinté en Italie, les Yéniches – ou les Manouches allemands comme on les appelait un temps par ici… », rajoute Yann.
Les gens du voyage, par leur naissance, vivent dans un univers différent des sédentaires, avec une culture, des coutumes et des habitudes qui leur sont chères. Comme il existe des aumôneries pour les établissements de santé, les prisons, les étudiants, les militaires, les migrants, les marins, les scouts… une équipe d’aumônerie a été envoyée en mission par Mgr Denis Moutel auprès du « peuple du voyage ». Celle-ci a pour mission de proposer l’Évangile et d’être présente à travers l’écoute, le respect et le non jugement de leurs traditions. Pleinement intégrée au sein de l’Église diocésaine, la Pastorale des Gens du voyage s’inscrit dans une démarche d’ouverture, de foi et de charité envers les « Voyageurs », suivant les orientations proposées par l’Aumônerie nationale des Gitans et Gens du voyage.
Une foi à toute épreuve
« L’église [le bâtiment] a moins de signification pour les Gens du Voyage que pour les sédentaires mais ils ont un fort attachement à la Vierge Marie. Nous proposons régulièrement des temps liturgiques de la Parole afin d’être au plus près des Gens du Voyage, à l’endroit où ils vivent », souligne Denis Chanteau. Malgré une affection particulière pour les pèlerinages mariaux et, a contrario, une faible présence aux célébrations dominicales, Magalie prie régulièrement en silence dans les églises. « Beaucoup de lieux sont fermés en semaine, quand il n’y a pas de messe. J’aimerais aller m’asseoir au fond d’une église en dehors des offices. Je comprends que c’est par crainte qu’il y ait des vols ou des dégradations mais je dis toujours que cela ne portera pas chance ceux qui font ça ! » En signe de réconfort, Denis Chanteau n’hésite pas à souligner que « la plus belle des églises est celle fondée au sein de la famille. Chaque famille est une ‘petite église domestique’, comme le disait souvent St Jean Chrysostome. La transmission de la foi se fait avant tout par les parents ! », assure-t-il avec joie.
Yann et Magalie ont toujours essayé de transmettre leur foi à leur fils, puis à leurs trois petits-enfants qui sont tous inscrits en école catholique… « même si chez les Gens du Voyage, l’école se fait aussi beaucoup à la maison », avoue Magalie sous le regard bienveillant d’Yvan. « Nos vieux étaient croyants et on a gardé cette tradition. Aujourd’hui, les jeunes ont la foi mais ne cherchent plus à aller à la messe comme nos anciens… », se plaint-il. Alors que le baptême est le seul sacrement réellement reconnu par les Gens du Voyage, Denis Chanteau appelle la communauté chrétienne « à ne pas juger mais à être des témoins d’un Christ miséricordieux ». « En tant qu’aumônier, je les écoute, je les accompagne et je les oriente. Je respecte leur style de vie, je n’ai pas à bousculer les traditions. Leur foi est sincère et profonde », assure-t-il.
En tant qu’aumônier, je les écoute, je les accompagne et je les oriente.
Je respecte leur style de vie, je n’ai pas à bousculer les traditions.
Leur foi est sincère et profonde.
la Pastorale des Gens du Voyage
Un statut de citoyen revendiqué
Malgré quelques frictions avec les municipalités lorsqu’il s’agit de s’implanter sur un terrain communal, les Gens du Voyage se reconnaissent comme partie prenante au sein de la société française. « Mon arrière-grand-père a fait la Première Guerre Mondiale, il est revenu vivant tant mieux ! Mon grand-père a fait la guerre d’Algérie pendant trois ans. On est patriote, on est français », souligne avec force Yann qui reconnait aujourd’hui un choc des générations. « Les anciens ont appris à ne pas faire de vagues. Maintenant, les jeunes se révoltent et veulent faire bouger les lignes. »
Magalie déplore également n’être « qu’une goutte d’eau dans un océan » et, même si elle continue d’aller voter car « c’est important », « beaucoup de voyageurs ne votent plus car ça n’avance à rien… Que ça soit la droite ou la gauche, rien ne bouge pour nous. » Pour Yann et Magalie, qui ne changeraient de mode de vie « pour rien au monde », désirerait que la société change son regard sur leur communauté. « Ce qu’on aime dans ce style de vie, c’est la liberté. On est proche de la nature. On n’embête personne ! » Désormais, Denis Chanteau souhaiterait qu’ils n’aient pas peur de prendre des initiatives. « Mon rôle d’aumônier est de dire : ‘On est prêt à vous accompagner sur des projets, à vous de vous en saisir !’ »
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