Rapport annuel 2024 sur l'état de la pauvreté en France du Secours Catholique
Le Secours Catholique – Caritas France dévoile ce 14 novembre 2024 son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France. Pour son rapport 2024, au-delà des contours d’une pauvreté multiple et complexe, qui caractérise l’exclusion d’aujourd’hui, l’association alerte sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres et la difficulté à accéder à la protection sociale face à la dématérialisation des démarches administratives. Dans le département des Côtes d’Armor, le Secours Catholique agit grâce à un réseau de 550 bénévoles qui accompagnent 3 000 ménages en difficulté. Ces rencontres ont contribué à la construction de ce rapport.
Édito de Didier Duriez, président national du Secours catholique ; et d'Adelaïde Bertrand, déléguée générale
La protection sociale est un trésor pour notre société. Elle est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas et apporte à chacun une forme de sécurité essentielle face aux aléas de la vie.
Mais ce trésor est menacé. Les discours qui veulent exclure certaines populations du champ de la solidarité remportent une audience croissante. La protection sociale est sous les feux croisés de ceux qui y voient un handicap pour la compétitivité et de ceux qui veulent tailler dans la dépense pour équilibrer les comptes. D’autres encore ne cessent de vilipender la fraude des plus pauvres, pourtant insignifiante par rapport à celle des plus aisés, particuliers comme entreprises. Le tout peut produire une forme de résignation à ce que les prestations s’amenuisent.
Mais en dépit de toutes les attaques, l’adhésion à nos systèmes de solidarité reste très forte. Car chacun sait que la protection sociale, ce n’est pas pour les autres : c’est une promesse que l’on se fait, les uns aux autres, de se serrer les coudes en cas de coup dur. Les accidents de la vie, cela peut arriver à tout le monde.
Le Secours Catholique les connaît bien, les accidentés de la vie : 60 % des personnes qu’il rencontre ont récemment subi un problème de santé, une séparation, perdu leur emploi… Regarder à travers leurs lunettes, c’est mesurer à quel point la promesse de solidarité est tenue – ou non. C’est tout l’objet de notre rapport 2024.
Face à l’épreuve, le plus dur est de se retrouver seul. C’est pourtant ce qu’endurent trop souvent les personnes qui ont le plus besoin de notre solidarité. Elles se retrouvent seules devant un écran d’ordinateur qui ne veut rien comprendre à leur situation, en tentant d’obtenir l’allocation qui leur est due. Démunies, sans personne pour les guider dans le dédale des démarches, car la dématérialisation a réduit comme peau de chagrin toute possibilité d’aide via un contact humain.
Cet écran interposé entre l’administration et les usagers n’est qu’une des facettes de l’éloignement de la solidarité vécu par les personnes fragilisées par la vie. À chaque fermeture de services publics, les distances s’allongent pour accéder à un lieu d’accueil. À chaque nouvelle réforme du chômage, du RSA ou du logement, les prestations sociales s’éloignent aussi de ceux, toujours plus nombreux, jugés insuffisamment dignes de notre solidarité et dont les droits se rétrécissent. Chaque discours public accusateur, enfin, rend la demande d’accès à ses prestations sociales plus honteuse, et le regard de ceux qui les reçoivent plus suspicieux, au point qu’un grand nombre préfère y renoncer plutôt que d’ajouter l’humiliation à la misère. Le non-recours aux droits ne cesse de progresser.
Sans surprise, ce sont les entourages proches et les associations qui sont sommées de compenser. Or, loin des discours et des politiques qui cherchent à diviser, nos bénévoles peuvent témoigner que la solidarité rassemble : elle soutient dans la difficulté, elle rend plus humain. Pourvu qu’elle ait un visage et une voix.
Garantir un accès physique au sein des administrations pour toutes et tous.
Intensifier les dispositifs "d’aller vers" : les espaces France Services sont une bonne initiative mais insuffisante, faute de personnel qualifié et de répartition équitable sur tout le territoire.
Simplifier les démarches et les adapter aux situations individuelles.
Défendre un revenu minimum garanti décent.
Quelques chiffres alarmants au national
- – Les femmes sont les premières victimes de la pauvreté et représentent 57% des personnes rencontrées
- – 25 % des personnes accueillies sont sans ressource.
- – Un revenu médian de seulement 555 €/mois pour les plus pauvres. 95% des ménages rencontrés ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (1275€), 74% sont même en situation d’extrême pauvreté.
- – La situation des personnes étrangères reste extrêmement précaire, plus de la moitié des ménages étrangers rencontrés étant sans ressource. Les familles avec enfants sont désormais majoritaires (55%).
L’accès aux prestations sociales devient un véritable parcours du combattant. La dématérialisation des démarches, le durcissement des critères d’éligibilité et la complexité des processus d’accès aux droits accentuent l’exclusion. En conséquence, le non-recours aux prestations sociales a atteint 36 % pour le RSA, une hausse de 10 points par rapport à 2010. Cette situation résulte d’un éloignement croissant de l’administration, qui n’offre plus suffisamment de soutien aux personnes vulnérables.
Le parcours administratif, désormais entièrement dématérialisé, représente une série d’obstacles pour les personnes isolées et en difficulté. La perte du lien de proximité avec les services publics et la complexité des démarches empêchent de nombreux citoyens d’accéder aux aides dont ils ont pourtant besoin.
Zoom sur les Côtes d'Armor
Dans les Côtes d’Armor, les 550 bénévoles du Secours Catholique sont mobilisés, face aux besoins d’accompagnement, de reconnaissance, de lien social ou de demandes d’aide financière des personnes rencontrées. C’est au moment où les personnes en difficultés ont le plus besoin de solidarité et de fraternité qu’il nous faut être auprès d’elles. En 2023, près de 3 000 ménages ont été accueillis et soutenus grâce à l’action de 35 équipes locales, 2600 donateurs et 6 salariées.
Les bénévoles assurent cet accueil et cette aide d’urgence. Ils proposent aussi des moments d’écoute, de partage à travers des groupes conviviaux ou d’activités. Ils accompagnent les personnes dans leurs démarches. De nombreuses actions proposées permettent aux personnes accueillies de devenir actrices des activités de solidarité de l’association.
Les bénévoles n’agissent pas « pour », mais « avec » les personnes en précarité : leur attente fondamentale est de se sortir de la pauvreté, de se sentir considérées et utiles, avec une vraie place dans la société. C’est ainsi que diverses activités proposées parfois par les personnes accompagnées permettent de valoriser leurs savoir-faire et leur savoir-être. Ainsi ces personnes peuvent reprendre confiance en elles, retrouver une dignité et reconstruire un projet de vie.
En France en 2023, grâce à 2 800 équipes locales (France métropolitaine et outre-mer) et un réseau de 58 500 bénévoles et de 925 salariés, 1 060 000 personnes ont été accueillies et soutenues dans 2400 lieux d’accueil. À l’international, en 2023, 349 opérations ont été menées dans 52 pays, en lien avec le réseau Caritas Internationalis (162 Caritas) et 2,6 millions de personnes ont été bénéficiaires de l’aide internationale.
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