1923-2023 : Saint-Judoce fête les 100 ans de son église
En 2023, Saint Judoce – un breton de réputation européenne – fête les cent ans de son église (Paroisse d’Evran). Un article de Louis Bouan à lire ci-dessous.
Saint Judoce, un breton de réputation européenne
Cette commune de l’est costarmoricain (15 km au sud de Dinan) porte depuis le XIème siècle le nom d’un saint breton du 7ème siècle (« Judocus » en latin, jeune frère de saint Judicaël, fondateur de Gaël en Ille-et-Vilaine).
Ce nom est aussi porté par une vingtaine de localités de différents pays du nord de l’Europe. Ce saint y est connu comme prince ayant renoncé au pouvoir et devenu le patron des pèlerins. Son tombeau à Saint-Josse-sur-Mer (62) est depuis toujours un lieu de pèlerinage du diocèse d’Arras. Et il a même depuis 2017 sa statue à la Vallée des Saints.
Un récit de sa vie a été rédigé vers 920 par des moines de Landévenec chassés par des Vikings et réfugiés à Montreuil-sur-Mer en Picardie. Il reste aujourd’hui 19 manuscrits originaux de cette « Vita prima » dans les bibliothèques de France, mais aussi d’Angleterre, d’Allemagne, de Belgique, de Suisse, d’Autriche…
Au XIème siècle, de nombreux évêques ont dédié de nouvelles églises à ce saint patron des pèlerins (sous différentes orthographes : Josse, Jodok, Joyce, … et en Bretagne Judoce, Ideuc, Uzeg,…). Aujourd’hui, celles-ci se retrouvent au sein d’une association européenne « Saint-Josse-Europe » qui tient à jour un site internet : www.saint-josse-europe.eu
Judoce demande à son compagnon de donner leur dernier morceau de pain
(vitrail de l’église de St-Judoce, d’après la « Vita prima »)
Une église neuve est construite en 1923
Au XIXème siècle, le creusement du canal d’Ille-et-Rance a déplacé la commune de St-Judoce de trois km vers le sud, ce qui laissait sa petite église complètement excentrée. Et la municipalité a alors initié un nouveau bourg en construisant une école de garçons au centre du territoire pour faciliter les trajets à pied des écoliers. Au début du XXème siècle, les paroissiens y ont ajouté une école de filles, en remplacement de celle qui avait été confisquée lors de l’expulsion des religieuses de Broons. Il fallait aussi une église neuve dans ce nouveau bourg.
A la fin de la Grande Guerre (dont 34 Judocéens n’étaient pas revenus), le recteur, l’abbé Jean Chouin, avec l’appui de Mgr Morelle, évêque de Saint-Brieuc, a donc mobilisé les énergies des familles de St-Judoce pour construire une nouvelle église qu’ils ont dédiée au Sacré-Cœur :
- En 1921, un terrain est choisi sur la ferme de François Frotin ; un entrepreneur, Henri Gabillard, est désigné pour conduire les travaux et un juriste, Joseph Bouan, pour gérer et se porter caution…
- L’architecte rennais Arthur Regnault fait les plans, et le chantier commence début 1922 : des charretiers bénévoles vont faire plus de 1000 trajets avec leurs chevaux pour ramener de Lanhélin des pierres de granit bleu. Les murs sortent de terre… Parmi les maçons, un jeune neveu de l’abbé Chouin qui doit entrer au séminaire, Henri Pinault.
L’église neuve est bénie le 23 septembre 1923 par Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc depuis le mois précédent. Elle est propriété d’un paroissien de façon à échapper à une éventuelle confiscation. Le mobilier de l’église est complété dans les années 1920 et 1930 par autels, chaire, etc…
Devenu prêtre, Henri Pinault part en mission en Chine. Quand l’abbé Chouin quitte St Judoce en 1935 pour devenir curé de Plénée-Jugon, il est remplacé à St-Judoce par l’abbé du E. du Plessis jusqu’en 1943, puis par l’abbé P. Haouisée (un évrannais dont un frère, Auguste Haouisée, est alors archevêque de Shanghai). Pendant la deuxième guerre mondiale, lorsque l’ancienne église est vendue par la municipalité, sa cloche « Anne-Louise », fondue pour la paroisse de Saint-Judoce en 1755, est transférée dans le nouveau clocher.
A son décès en 1947, l’abbé Haouisée préparait une « Mission » pour remercier le Sacré Cœur du retour des prisonniers de Saint-Judoce. Celle-ci a lieu en 1948 avec le nouveau recteur, l’abbé Quillement, et on place à l’extérieur de l’église une nouvelle statue du Sacré-Cœur.
Henri Pinault, devenu évêque de Chengdu, grande ville de Chine centrale (huit millions d’habitants aujourd’hui), y est bientôt emprisonné par les communistes. Lorsqu’il est finalement expulsé vers la France en 1953, Mgr Coupel, évêque de Saint-Brieuc, l’accueille en l’envoyant consacrer cette église de Saint-Judoce qu’il a contribué à construire. A cette occasion, un grand manteau rouge est peint dans le chœur en guise de retable pour envelopper l’autel, le tabernacle, la grande croix qui le surmonte, et la statue du Sacré Cœur.
L’église et le presbytère construits à St-Judoce en 1923
Au début des années 1960, une délégation de la paroisse conduite par l’abbé Quillement se rend en pèlerinage à Saint-Josse-sur-Mer. Elle en ramène une relique du saint qui est installée dans un reliquaire sur la droite de l’église.
Plus tard, alors que Mgr Kervéadou, l’évêque de Saint-Brieuc du temps du Concile, se trouvera confronté aux troubles de Boquen, l’abbé Guillement procèdera à plusieurs démontages dans l’église (tabernacle, autel, table de communion, chaire, lustre …).
La propriété de l’église de Saint-Judoce, d’abord transférée à l’Association Diocésaine en 1959, est transmise à la commune de Saint-Judoce au début des années 1970. Après le décès de l’abbé Quillement en 1975, Mgr Kervennic rattache la paroisse de Saint-Judoce à celle d’Evran, et les abbés Berhault (ancien curé d’Evran) et Ruellan (ancien vicaire-instituteur d’Evran) s’installent au presbytère de Saint-Judoce pour leur retraite. Ils y assurent les messes dominicales, et ils la fleurissent de façon extraordinaire.
Au début des années 2000, alors que l’Association Diocésaine assure par ailleurs l’extension du sanctuaire de Querrien, elle vend le presbytère de Saint-Judoce. En 2008, Mgr Lucien Fruchaud vient bénir le calvaire de la Mission de 1948 réinstallé devant l’église, alors qu’il était initialement devant l’école des filles.
Le 23 septembre 2023, la fête du centenaire de l’église du Sacré Cœur de Saint-Judoce sera présidée par Mgr Denis Moutel, et il y bénira une nouvelle croix réalisée pour le chœur de l’église avec le concours du service d’Art Sacré du diocèse de Saint-Brieuc. Des éléments de l’exposition sur les miracles eucharistiques conçue par le bienheureux Carlo Acutis seront présentés à l’église en décembre pour la clôture de cette année du centenaire.
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