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Hiver 1954. Le vibrant appel de l’abbé Pierre fête ses 70 ans cette année

Au cœur de l’hiver 1954, face à un froid glacial, l’abbé Pierre lance un vibrant appel à la radio Luxembourg (ex RTL). Nous célébrons en 2024 les 70 ans de ce discours. « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… »

Relire le discours de l'abbé Pierre

« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée…

Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant tant d’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !

Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime »

La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques.

Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris.

Merci ! »

« Sans doute les Français se reconnaissent-ils en ce curé pas tout à fait comme les autres, en cet homme si humain avec ses contradictions et son caractère parfois difficile, ses impatiences et ses insolences, ses colères et ses entêtements, son franc-parler et son indiscipline… sans oublier son humour et son humilité, bref une profonde humilité. »

Les carnets intimes de l’Abbé Pierre – Denis Lefèvre

« La Fondation se doit de continuer l’œuvre de son créateur et faire entendre son message avec indignation. Elle se doit de soutenir les plus vulnérables dans une société mondialisée où l’on sait si peu comment tendre vers une communauté humaine, sereine et vraie. »

Raymond Etienne, cofondateur et ancien Président de la Fondation Abbé Pierre
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Le combat de l'abbé Pierre en trois dates

1931 : le mouvement scout venait de voir le jour en Angleterre. Henri s’y inscrit après que son père se soit renseigné sur la moralité de ce nouveau mouvement. Adolescent, Henri Grouès rêve d’être missionnaire et d’aimer ceux qui n’ont rien. Il entre chez les Capucins à 20 ans et devra pourtant renoncer au monastère pour raisons de santé. C’est en retournant dans le monde qu’il rencontrera sa vocation. Son ordination sacerdotale a lieu le 14 août 1938.

1942 : dès le lendemain de la rafle du Vel’ d’Hiv à Paris, l’abbé Pierre accueille des Juifs rescapés d’une première rafle en zone libre.  De 1942 à 1944, il entre dans la Clandestinité. Il participe à la Résistance et crée des maquis qui deviendront une partie de “l’Armée du Vercors”. Il en gardera son nom de résistant, « l’abbé Pierre ». À la libération, désireux de mettre sa vie au service des autres, il choisit d’entrer en politique et se présente aux élections législatives en Meurthe-et-Moselle.

1949 : à Pâques, l’abbé Pierre a recueilli depuis quelques mois déjà Georges Legay, cet homme désespéré qui voulait se suicider. Avec son indemnité parlementaire, l’Abbé réhabilite une vieille maison à Neuilly Plaisance, dans la banlieue Est de Paris. Les déshérités, les sans abri, les familles ne cessent de frapper à la porte de la maison. La maison devient vite un lieu de rencontres où l’on séjourne le temps nécessaire, selon ses besoins.

Dans les pas de l’abbé Pierre, la mobilisation continue

Dix-sept ans après sa mort le 22 janvier 2007, son héritage, son combat contre l’exclusion et le mal-logement, et son œuvre le mouvement Emmaüs en France et à l’international ne cesse de se déployer. La mémoire de l’abbé Pierre reste vive. Nombreuses sont les personnes engagées à sa suite dans une dynamique qui porte du fruit.

“Une personnalité très attachante, très charismatique”. Les qualificatifs pour aborder la figure de l’abbé Pierre sembleraient presque des lieux communs s’ils n’étaient pas largement partagés par tous ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin. “Les témoignages sont unanimes quant à l’intensité de la rencontre, l’empathie émotionnelle dont l’abbé Pierre faisait preuve, sa profonde réflexion de l’autre pour discerner le bon, la joyeuse sainteté de la personne qui se trouvait en face de lui”, partage le directeur du Centre abbé Pierre – Emmaüs. Le P. Luc-Marie Duprey se rappelle quant à lui avoir croisé le fondateur d’Emmaüs lors de conférences ou de week-ends avec les jeunes du Mej. Il reste marqué par un déjeuner en face de lui à l’abbaye Saint-Wandrille… en silence ! “Je retiens aussi le fait qu’il n’hésitait pas à interpeller les grands de ce monde de manière prophétique, avec des coups de gueule mémorables, tout en sachant se faire très proche des plus petits et des villageois”, se rappelle-t-il.

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