croix orange
Actualité

Un colloque tourné vers la crise écologique et la responsabilité chrétienne

Du 22 au 24 février dernier, une vingtaine de chrétiens engagés dans le diocèse de Saint-Brieuc ou au sein de l’œcuménisme en Côtes d’Armor ont participé au colloque proposé par l’Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique (ISPC) sur le thème : « Responsabilités chrétiennes dans la crise écologique – Quelles solidarités nouvelles ? » A cause des restrictions sanitaires, l’édition 2021 s’est tenue en visioconférence, permettant ainsi davantage d’inscrits que les années précédentes partout en France.

« Qu’as-tu fait de ta Terre ? De l’air que tu respires ? »

Dès l’annonce de ce colloque international, l’ISPC avait donné le ton des échanges futurs à travers un état des lieux déjà tourné vers une prise de conscience. « La crise écologique que le monde traverse aujourd’hui est souvent décrite par un langage de type apocalyptique. Dans certains mouvements, elle est présentée en termes de collapsologie : écroulement de notre système économique et politique, crise sans précédent de la transmission, effondrement culturel et spirituel », couchent sur le papier les organisateurs. « Cette situation écologique, à laquelle s’ajoute la crise sanitaire actuelle, ébranle la tradition chrétienne dans son ensemble. Dans cette situation critique, le christianisme se doit de revisiter ses traditions et ses enseignements, à travers ses interprétations des textes fondateurs, dans son emploi des traditions liturgiques, ou dans ses pratiques d’évangélisation et de transmission de la foi. » Pour Bruno Latour, professeur émérite de philosophie à Sciences-Po Paris, les Eglises occidentales ont « laissé la matière aux mains des scientifiques », ne ciblant que l’aspect moral et intellectuel de la vie éternelle. « Ce discours nous empêche de nous saisir de l’enjeu écologique ». Ce dernier en est persuadé, « les théologies peuvent se laisser toucher de façon positive par les bouleversements écologiques ». A partir de l’appel biblique « Qu’as-tu fait de ton frère ? », Bruno Latour pose les corollaires suivants : « Qu’as-tu fait de ta Terre ? De l’air que tu respires ? L’amour du prochain multiplie les attachements aux éléments d’habitabilité et à leur respect ».

Le Métropolite Jean de Doubna, chancelier de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris a souligné que « toute la Bible est un jeu de relations », rappelant que « par nos yeux, Dieu voit le monde et par nos mains, Dieu touche le monde ». Cela rejoint les propos de Fabien Revol, théologien, philosophe et professeur à l’Université Catholique de Lyon. « Nous n’habitons pas notre planète comme un stock de ressources à consommer mais plutôt comme un lieu de vie communautaire », explique-t-il, prenant exemple du tétraèdre, une pyramide à base triangulaire ayant en ses sommets dans son exemple : Dieu, les hommes, les créatures et la Création. « Quand il y a une interaction ou un désordre dans une relation, cela impacte directement les autres. » Anne-Sophie Vivier-Muresan, directrice de l’Institut supérieur d’études œcuméniques, a ainsi appelé à « faire le catéchisme depuis là où nous sommes. La cosmologie est faite par des vivants. Quels vivants sommes-nous ? Quels vivants voulons-nous être ? » Cela fait écho à l’intervention d’Élena Lasida, professeure de sciences sociales et économiques à l’Institut catholique de Paris. « L’écologie est un lieu de rencontre et de réconciliation des différentes églises et des différents courants spirituels. Nous sommes davantage dans la recherche que plutôt apporter des réponses préconçues. » Celle-ci rappelle les enjeux anthropologique, sociétaux et spirituels du label « Église Verte », le mettant en parallèle avec l’encyclique Laudato Si’ (§220). « Cette conversion suppose diverses attitudes qui se conjuguent pour promouvoir une protection généreuse et pleine de tendresse. Elle implique gratitude et gratuité, c’est-à-dire une reconnaissance du monde comme don reçu de l’amour du Père. »

« Ce qui nous manque, c’est de la sagesse »

A partir de l’Evangile de Saint-Jean, et notamment du verset « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous », Elbatrina Clauteaux, théologienne, anthropologue et philosophe, elle rappelle que « le Christ est une personne ouverte de relations. La médiation entre Dieu et les hommes se fait avec tout ce qui constitue la Terre », ne le réduisant donc pas qu’aux sept sacrements. Conversion au Christ et conversion écologique ne sont pas antagonistes pour Élena Lasida. « La conversion écologique ne veut pas dire abandonner le Christ pour la nature. On se convertit à l’écologie quand l’écologie à un enjeu spirituel. » Celle-ci se remémore des rencontres improbables et inattendues entre paroissiens et habitants d’un même quartier à la suite d’une initiative écologique. « Chacun peut rendre compte de sa foi sans avoir peur de se faire embrigader. C’est une expérience à vivre ensemble sans connaître le résultat final. On mise sur le commun. L’écologie est un lieu de rencontre d’unité, ce qui ne veut pas dire uniformité. » Cela rejoint les propos de Pierre Bourdon, théologien physicien et enseignant à l’ISPC. « Cet appel à une conversion écologique résonne dans nos communautés pastorales », faisant référence également aux propos visionnaires de Jacques Chirac, alors Président de la République : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » lors du sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, il y a de cela presque vingt ans. Pour Pierre Bourdon, « ce qui nous manque, c’est de la sagesse ». Selon lui, « ce n’est pas concevable que la religion de la Trinité ne soit pas aussi la religion de la nature. Abîmer la Création est un péché ».

La question du péché a également été développée par Patrice Rolin, animateur théologique de L’atelier protestant au sein de l’Église protestante unie de France. Pour lui, « le péché originel est dans la nature de chaque humain ». Pour lui, l’être humain est un « être de manque » ayant des difficultés dans « l’acceptation de ses limites ». Pierre Rolin l’affirme, dans la crise écologique, il y a une « dimension générationnelle mais aussi spirituelle. Les nécessaires changements de comportement se doivent être pris de manière libre et libératrice ». Et parce que ce changement de comportement libère, « l’humain n’a pas besoin d’user de la violence pour accéder à la civilisation », souligne Edouard Adé, théologien, sociologue et professeur à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest ; rappelant avec consternation le saccage de l’Amazonie. Pour ce dernier, l’Afrique connaît à son tour une « perte de la notion du terroir et des racines », appelant à « valoriser la culture locale et écologique dans les écoles ». Edouard Adé le constate, « l’avenir ne se joue plus dans les villages mais de plus en plus dans les villes », craignant ainsi que « l’aventure de l’industrialisation détruise le monde. On se rendra compte trop tard des conséquences sur la nature ». Ainsi, Fabien Revol, théologien, philosophe et professeur à l’Université Catholique de Lyon s’inscrit dans la même lignée des autres intervenants, insistant sur l’importance « à changer son regard. Pour aimer la création comme Dieu l’aime, il faut la voir comme Dieu la voit ». Pour ce dernier, l’Évangile de la Création développe deux postures fondamentales : une « fraternité entre toutes les créatures » ; « fraternité qui vise la communion universelle ».

« L’invitation du Christ, c’est de le suivre »

Aussi, Pierre Bourdon, théologien, physicien et enseignant à l’ISPC, « la catéchèse est primordiale dans la conversion [afin de] soutenir une mentalité et une spiritualité écologique fondées sur la sagesse des récits bibliques ». Celui s’en réfère notamment au Directoire pour la catéchèse, et plus spécifiquement aux paragraphes 381 à 384 (alinéa « Catéchèse et engagement écologique »). Ainsi, peut-on lire au paragraphe 382 cet appel du Pape Jean-Paul II issu de son message pour la Journée mondiale de la paix 1990 : « La question écologique est perçue par des personnes et des organisations de divers horizons culturels et philosophiques, mais les croyants sont appelés à se sentir interpellés, conscients que ‘leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature et du Créateur font partie intégrante de leur foi’ ». Trente ans après ces mots du Pape Jean-Paul II, le Pape François lance à son tour un appel pressant à travers son encyclique Laudato Si, mis en exergue durant ce colloque international : « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons nous concernent tous ». Sans oublier non plus les mots du Pape Benoît XVI rappelés au cours de ce colloque, tirés de l’encyclique Caritas in Veritate : « La nature est l’expression d’un dessein d’amour et de vérité. Elle nous précède et Dieu nous l’a donnée comme milieu de vie » (§48 et suivants).

A quelques reprises, les participants ont été invités à se réunir en petits groupes pour réfléchir et partager sur les différentes interventions du colloque proposé par l’Institut Supérieur de Pastorale Catéchétique. Hervé Stücker, pasteur de l’Église protestante unie des Côtes-d’Armor, est intervenu dans le cadre d’une carte blanche. « Dieu nous questionne et nous devons nous-même nous questionner. On dit souvent que la société se déchristianise, je ne suis pas d’accord en matière du sens. Nous sommes dans une société qui ne cesse de s’interroger – pas seulement chez les croyants : quel est le sens de notre vie ? Cela remet en cause notre façon de parler de Dieu. Laissons-nous interroger et partageons notre interrogation. La crise écologique est une crise de l’humanité. » Hervé Stücker a notamment souligné que d’être dans l’impossibilité de changer ses habitudes et de se convertir posait question. « L’invitation du Christ, c’est de le suivre. Ce lâcher-prise nous permet de réfléchir et de nous mettre en dialogue. Pourquoi je vis ? Qu’as-tu fait de ton frère ? Ce sont les mêmes questions que posait Dieu dans la Genèse. »

Message vidéo du Pape François
à l’occasion du « High-Level Meeting of Caring for Climate 2020 »

Reportage de Vodeus – Mémoire vivante de l’audiovisuel chrétien
Documentaire « Génération Laudato Si »

Aller plus loin

croix blanche

Les dernières actus