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Rapport annuel 2023 du Secours Catholique sur l’« État de la pauvreté en France »

Le Secours Catholique – Caritas France publie mi-novembre son rapport statistique annuel 2023 sur l’« État de la pauvreté en France » issu de l’observation de plus de 49.000 situations (sur les 1.027.500 personnes accueillies en 2022). Cette année, l’association pointe une aggravation de la pauvreté, les premières victimes en étant les femmes, et notamment les femmes avec enfants.

Mot d’introduction du Secours catholique

[ Extraits ] Oui, la pauvreté s’aggrave en France. Et elle touche en premier les femmes. C’est en substance ce que montre le rapport « État de la pauvreté 2023 ». Depuis bientôt trente ans, le Secours Catholique publie chaque année une photographie de la pauvreté dans notre pays, telle que la dessine le million de personnes rencontrées par l’association l’année précédente. Sans surprise, dans un contexte de forte inflation sur l’alimentation et l’énergie, nos statistiques montrent une nette aggravation de la pauvreté en 2022. 95 % des personnes que nous rencontrons vivent sous le seuil de pauvreté (à 60 % du revenu médian). Les trois quarts vivent même en situation d’extrême pauvreté (sous le seuil de 40 % du revenu médian), contre 65 % en 2017.

Et tout porte à croire que cette dégradation se poursuit en 2023, comme en atteste la forte hausse du nombre de personnes faisant appel à l’aide alimentaire des associations. En 1989, les femmes représentaient 51 % des adultes rencontrés par le Secours Catholique. En 2022, cette part est de 57,5 % – et même de 60 % des adultes de nationalité française. Les premières victimes de la pauvreté sont donc les femmes, et surtout les femmes avec enfants. Voilà l’autre enseignement majeur du rapport 2023.

Une société qui prend soin, c’est d’abord une société qui protège les plus vulnérables. Hors, sur un million de personnes accompagnées par l’association, 475.000 sont des enfants. Cela est inacceptable pour un pays comme la France en 2022. Nos convictions ? Permettre à chacun de subvenir à ses besoins vitaux et à ceux de ses proches par l’octroi d’un revenu vital qui ne doit souffrir d’aucune contrepartie, la garantie d’une rémunération décente aux personnes en emploi, l’indexation des minimas sociaux sur le Smic et la revalorisation du RSA, le combat contre le non-recours aux prestations sociales en cessant la stigmatisation des allocataires et en rendant les services sociaux plus accessibles, la garantie aux parents en précarité de garantir à leurs enfants l’accès à une alimentation sainte et à un logement correctement chauffé, aux vacances, aux loisirs et à la culture, la régularisation de la situation administrative des personnes exilées afin qu’elles puissent s’insérer dans la société.

Édito de Véronique Devise, présidente du Secours Catholique et Adelaïde Bertrand, déléguée générale

[ Extraits ] La parole collective de ces femmes livre un premier enseignement fort : notre société a de la chance. La chance de pouvoir s’appuyer sur des femmes qui, malgré l’adversité, se battent au quotidien, avec courage, s’interdisant de baisser les bras. Dans une quête de dignité indissociable de celle de leurs proches, ces femmes témoignent d’un dévouement total, jusqu’à sacrifier leurs besoins vitaux. Ce sont les femmes qui portent majoritairement la charge mentale de tous les jours, le tout avec un budget impossible à boucler, qui transforme le quotidien en source d’angoisse permanente. Nos chiffres sont révélateurs d’une inégalité entre hommes et femmes qui ne faiblit pas.

Si les femmes sont devenues majoritaires à pousser la porte de notre association (57,5 % en 2022, contre 51 % en 1989), ce n’est pas un hasard : elles sont plus exposées à la pauvreté. Celles qui travaillent sont moins bien payées, plus souvent à temps partiel subi, et leurs carrières hachées se traduisent par de faibles retraites. D’autres voudraient bien travailler, mais leur situation administrative les en empêche. Si les femmes font davantage appel au Secours Catholique, c’est aussi parce que, neuf fois sur dix, ce sont elles qui assument la charge des enfants quand les couples se séparent.

Chiffres 2022 de la délégation des Côtes d’Armor

A partir des ménages rencontrés :

  • 28,1% des ménages sont des hommes seuls (contre 21,9% en 2021)
  • 23,5% des ménages sont des femmes seules (contre 26,3% en 2021)
  • 8% des ménages sont des pères isolés (contre 4,2% en 2021)
  • 24,3% des ménages sont des mères isolées (contre 23% en 2021)
  • 12,4% des ménages sont des couples avec enfant (contre 21,5% en 2021)

Statuts des étrangers d’origine extra-européenne :

  • 56,8% sont en attente d’un statut légal
  • 25% ont été déboutés et sans papiers
  • 18,2% ont un statut accordé, provisoire ou définitif

Demandes exprimées par les ménages accueillies :

  • 47,2% sont en demande d’écoute, de conseil et d’accueil (contre 55,5% en 2021)
  • 10,1% sont en demande de démarches administratives (contre 3% en 2021)
  • 26,2% sont en demande de mobilité (contre 21,2%)

Évolution du niveau de vie médian :

  • 533 € (contre 577 € en 2021, et 591 € en 2017). A noter qu’en 2019, le niveau de vie médian en France était de 1.836 € et le seuil de pauvreté de 1.102 €
  • 38,2% des ménages rencontrés sont en situation d’impayés

Témoignage d'Évelyne, Briochine accueillie au Secours catholique - Caritas France

J’ai perdu mon emploi à la suite d’un licenciement économique. Après de multiples tentatives, je n’ai retrouvé d’emploi durable. J’ai créé ma propre activité en tant qu’assistante administrative. J’ai subi un glissement progressif : être une femme seule, de plus de 50 ans, qui a perdu son emploi. J’ai diminué mes contacts avec mes amis et ma famille. Je suis prise d’un sentiment d’inutilité, pourtant j’étais assistante de direction, je n’ai pas les deux pieds dans le même sabot ! Heureusement, je n’ai plus ma maison à payer mais j’ai dû laisser ma fille faire un emprunt étudiant. J’ai toujours pourvu aux besoins de ma fille, là elle est obligée de s’endetter… Ça me fait mal au cœur.

J’ai un temps partagé chez un employeur. J’ai commencé à une demi-journée par semaine, depuis quelques jours je suis passée à deux jours par semaine. Malgré cela, je suis au RSA. J’ai des difficulté à mettre de l’essence dans la voiture, je n’achète plus de poulet rôti, j’ai arrêté d’aller chez le dentiste… Mais comment font les personnes qui n’ont aucune ressource ? Je me suis très investie dans le glanage, c’est par ce biais que j’ai fait la connaissance du Secours Catholique. Avec nos chariots, on va à la rencontre des maraîchers en fin de marché, on bénéficie de légumes et de pain bio parfois. Cela me permet de m’investir et d’être intégrée à une vie d’équipe.

Témoignage de Florence, Dinannaise accueillie au Secours catholique - Caritas France

J’ai toujours travaillé en tant qu’aide-soignante à l’hôpital. Dans le milieu médical, on a des horaires atypiques, c’était très compliqué quand mon fils était bébé en tant que maman solo. On me disait de prendre une nourrice mais je ne pouvais pas me permettre de payer quelqu’un 25 € de l’heure alors que j’étais moi-même payée 15 € de l’heure ! J’ai connu la rue pendant deux ans, au début je dormais dans ma voiture et un jour elle a été enlevée par la fourrière. Je n’ai jamais pu aller la rechercher. J’ai perdu en même temps toutes mes affaires personnelles qui étaient restées à l’intérieur. Je suis devenue propriétaire en 2019. J’étais heureuse… et voilà que je fais un AVC, moi qui ai déjà du diabète. J’ai été mise en invalidité totale, aujourd’hui je ne vis que sur ma pension.

Acheter de la viande est devenu impossible. Heureusement qu’il y a la cantine à un euro pour mon fils qui a aujourd’hui dix ans ! On m’a conseillé de vendre ma maison mais vous savez, quand on a connu la rue… J’aimerais que mes enfants aient un toit au-dessus de la tête le jour où je vais mourir et qu’ils ne connaissent pas les mêmes galères que moi. Sous prétexte qu’on est propriétaire, on est riche. C’est simple, au 6 du mois, je n’ai plus rien. J’ai des factures impayées, c’est une catastrophe. C’est sur mon découvert bancaire que je continue de payer ma maison, L’héritage d’une tante m’avait permis d’avoir à l’époque un petit apport personnel.

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